Esplanade de la collégiale

EsplanadedelaCollgiale

Un panneau didactique développant un aspect particulier de l'histoire de Moutier est réalisé chaque année depuis 2014. Ce projet sur la durée est le fruit d'une collaboration avec le Musée du Tour Automatique et d'Histoire de Moutier.


Du haut de l’esplanade de la Collégiale, près de quatorze siècles d’Histoire nous contemplent

Les moines colombaniens – dont le centre de rayonnement se situe à Luxeuil – obtiennent du premier duc d’Alsace Gondoin la possibilité de venir établir un monastère dans le Grand Val, vers 640 de notre ère. Ces religieux ne viennent pas y évangéliser une population déjà christianisée et encore moins y défricher d’insondables forêts ; leur implantation dans notre belle vallée est principalement motivée par la possibilité de relancer et de chapeauter la production de fer, pour laquelle notre région constitue un véritable bassin minier. La fondation de cet établissement conféra le nom et le symbole héraldique de notre cité, « moutier » signifiant littéralement monastère. 

Son premier abbé ne fut autre que Germain de Trèves, personnage issu d’une illustre famille sénatoriale dont les frères Optomard et Numérien étaient pour l’un dignitaire influent auprès de Dagobert 1er  roi des Francs et pour l’autre évêque de Trèves. 
Une partie des fondations de ce monastère furent mises au jour entre 2008 et 2010 par le Service archéologique du canton de Berne, au centre de la vieille ville prévôtoise. L’archéologie remettait ainsi avec panache l’abbaye au milieu du village après des siècles d’errements et de tâtonnements dans la localisation du site. De nos jours, plus aucun vestige de ce complexe religieux de grande importance ne peut être observé sans creuser à nouveau, mais il est avéré que sous les actuels pavés subsiste encore une plage d’informations historiques.

La première église de la fondation colombanienne, également érigée en 640, était placée sous le patronage de Saint Pierre. Lors de sa destruction en 1863, son sous-sol révéla des sarcophages typiquement attribuables à la période monastique. La localisation du site nous est bien connue : en témoigne le nom de la ruelle (« Ruelle de l’Eglise ») que l’édifice bordait et que d’aucuns pensent faussement pouvoir attribuer à la présence de la collégiale quelques dizaines de mètres en amont. Suite à la disparition de ce sanctuaire originel, une nouvelle église fut inaugurée en 1871 au cœur de l’actuelle zone industrielle prévôtoise. Placée elle aussi sous le vocable du même saint patron, elle connut le même sort et fut rasée en 1966.


Fragments de dalle d’autel ou d’ambon, quelques-uns des rares vestiges de l’église collégiale de Moutier-Grandval, 7e-8e siècle, perdus. Calotype d’Edouard Quiquerez, 1859. Musée jurassien d’art et d’histoire, Delémont.
Dans un manuscrit d’Auguste Quiquerez (Monuments de l’ancien Ev.ch. de B.le. Eglises), on lit : « En 1859, lorsqu’on démolissait la basilique, nous avions obtenu qu’on mit de côté toutes les pierres sculptées. Déjà il y en avait un certain nombre dans un local voisin, mais on eut besoin de cette place et les pierres furent jetées dans les remblais. »


Les textes font mention d’une seconde église liée au monastère prévôtois ; cette dernière, fondée en 769, fut placée sous le patronage de la Vierge avant de bénéficier d’un second vocable – plus local – celui de Saint Germain. 

Probablement détruite en même temps que le monastère vers le début du XIe siècle, aucune trace ne permet de la localiser. En revanche et selon le principe de la pérennité des vocables évoqués ci-dessus dans l’exemple des deux sanctuaires voués à Saint Pierre, il apparaît que la collégiale Sainte-Marie/Saint-Germain fait suite à la disparition de l’édifice du VIIIe siècle, dans le contexte de l’élaboration d’un chapitre de chanoines sur l’actuelle esplanade.

Même si nous ne connaissons la date exacte de la destruction du monastère colombanien, cette dernière se pressent à la lecture de deux documents datés de 967 et de 968. Ces derniers témoignent de la nécessité de restaurer certaines parties des ses infrastructures, signalant que des dons ont été perçus dans ce dessein. La décrépitude du complexe architectural précède ainsi de peu son arasement définitif. Le chapitre de chanoines, dont le lieu de liturgie n’était autre que l’actuelle collégiale Sainte-Marie/Saint-Germain, succède ainsi à l’abbaye prévôtoise vers le début du XIe siècle probablement. La présence de quelques pierres taillées, utilisées en réemploi attestent la récupération de certains éléments lithiques du complexe monastique dans l’élaboration de ce chapitre. 

A l’aube du millénaire, l’abbé cède ainsi sa place à un autre dignitaire, rattaché cette fois-ci aux spécificités du chapitre canonial et sous l’autorité duquel notre cité est désormais placée, le prévôt. Ceci explique la raison pour laquelle les habitants de Moutier se nomment les Prévôtois, ce qui n’est pas le casdans d’autres bourgades éponymes (Môtier, Moustier, Moutiers etc.) où les citoyens sont désignés par d’autres gentilés.


Ruines de l’Abbaye de Moutier  – Gravure de Jules Louis Frédéric Villeneuve, 1824.


Durant le bas Moyen Age (du XIe siècle à la fin du XVe siècle), la collégiale et son chapitre connurent de multiples destructions dues notamment aux épisodes belliqueux d’une période fréquemment troublée. Mais selon Auguste Quiquerez « ce fut la Réforme qui causa la dernière ruine de ce monument ». Dévasté en 1531 puis une seconde fois en 1534, les chanoines prirent soin de transférer les reliques de Saint Germain et de Saint Randoald à Delémont, simultanément avec l’abandon du site au profit des Réformés.

Le 8 juin 1571, c’est la foudre qui s’appliqua à saper derechef l’établissement qui attisait encore les convoitises et l’espoir des premiers propriétaires. En 1670, ces derniers tentèrent secrètement quelques restaurations mais Berne intervint en 1672 pour empêcher l’entreprise. D’après certaines sources, l’église resta alors déserte jusqu’après 1798, tombant peu à peu en ruine par l’action conjuguée de la Nature et des hommes. Elle fit alors office de généreuse et ô combien commode carrière pour la construction de nombreux bâtiments civils alentour. 

En 1859 on érigea sur les fondations de l’établissement médiéval un temple réformé, dans le style qui prévaut encore de nos jours. L’unique vestige de ce qui fut réside chichement dans les dimensions de l’édifice actuel qui reprend scrupuleusement les limites externes des surfaces originales.


L’église collégiale de Moutier-Grandval en ruine. Calotype d’Edouard Quiquerez, avant 1859, extrait d’un manuscrit de son père Auguste(Monuments de l’ancien Ev.ch. de B.le. Eglises, 1853-1876). Universitätsbibliothek Basel, Mscr. H.1.23.


En 1961-1962, des fouilles archéologiques menées par André Rais et Hans-Rudolf Sennhauser, dans le cadre de transformations et de réfections touchant divers éléments architecturaux de la collégiale, permirent de déterminer qu’aucune fondation d’une probable église antérieure au XIe siècle ne fut érigée sur le site même de l’édifice. Des tombes y furent également mises au jour, confirmant cette conclusion par leurs seules caractéristiques typologiques. Depuis cette ultime campagne de rénovation et de travaux, la collégiale se présente immuablement sous son aspect actuel, trônant fièrement sur son esplanade en témoignage de sa bienveillance à l’égard de ses sujets prévôtois. 

 

Texte et illustrations : Musée du Tour Automatique et d’Histoire de Moutier 

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