Moutier et son "moutier"
Un panneau didactique développant un aspect particulier de l'histoire de Moutier est réalisé chaque année depuis 2014. Ce projet sur la durée est le fruit d'une collaboration avec le Musée du Tour Automatique et d'Histoire de Moutier.
Moutier et son "moutier"
La région de Moutier-Grandval, est au Moyen Âge, gérée par le duché d’Alsace et se situe à la limite sud-est de son territoire. L’idée d’y établir un monastère est venue de deux horizons aux natures et motivations complètement distinctes, contrairement aux diverses hypothèses émises.
L’histoire de la région étant très lacunaire, il a d’abord été dit que la venue de moines sur le territoire représentant l’actuel Jura bernois était due probablement à un désir d’évangélisation. Puis, il a été raconté que ces terres étaient convoitées pour la paix et l’isolement qu’elles pouvaient offrir à un lieu de liturgie. Les diverses recherches et découvertes de ces dernières années ont, en fait, permis d’établir que le Grand Val a dû en réalité faire face à un tout autre type de scénario. Même si ni l’évangélisation, ni la tranquillité des lieux ne sont une cause de l’implantation du monastère en terre prévôtoise, c’est tout de même une initiative de nature religieuse qui est à l’origine du projet monastique.
C’est d’une envie et d’un besoin d’agrandir un patrimoine chrétien florissant, déjà fortement implanté dans le duché, que viennent les premiers pas. Saint Walbert, alors abbé en ce temps à Luxeuil, grand centre colombanien, se voit dans l’obligation, de par la notoriété que jouit son abbaye, de trouver un nouvel emplacement de prière pour ses fidèles.
Situation géographique de Luxeuil (FR) et de Moutier (SUI)
Malheureusement, l’inspiration lui manque et l’emplacement lui fait défaut. Par chance, le duc d’Alsace, Gondoin, apporte au Saint, un appui nourri d’ambitions politique et économique.
Très au courant de ce qu’il se passe dans sa seigneurie, ce dernier convoite des terres situées à la limite de son duché où domine une importante industrie de sidérurgie, aux gisements riches en matière première et à la main d’œuvre affluente. Le duc propose donc à l’abbé d’implanter son lieu de culte sur ces terres de l’actuel Jura bernois afin d’initier une étroite collaboration entre eux, établir une main mise sur l’exploitation et en faciliter son transport jusqu’au siège principal du duché, situé dans les Vosges.
En 640, Gondoin donne l’autorisation à Luxeuil de bâtir son nouveau bâtiment religieux. Fridoald, un des derniers compagnons de Saint Colomban, édifie alors le couvent dans le Grand Val et les moines, pour la majorité colombaniens, assurent son fonctionnement, celui de l’exploitation et de la région.
Moutier, Rue Centrale 57. Vestiges maçonnés de l’abbaye dans son état des 8e-9e siècles. Le mur 95 repose sur les pierres de fondation 96 ; sa paroi nord est recouverte par l’enduit de mortier 49. Le radier d’assainissement 107 définit l’espace intérieur d’une pièce. Service archéologique du Canton de Berne.
Le lieu exact de l’édification de l’abbaye a longtemps été discuté. Grâce aux fouilles archéologiques menées entre 2008 et 2010 en vieille ville de Moutier, de nombreuses et importantes fondations, des sols en terrazzo ainsi que des artefacts ont été mis au jour et ont permis d’attester une contemporanéité avec l’existence du monastère. Le toponyme de la ville est également très parlant : le nom de Môtiers, dont est issu celui de Moutier, vient du vieux français môti qui signifie église, monastère (du latin monasterium, venant du grec ancien monasteriôn). De plus, un chapitre canonial survenu vers la fin du 11e siècle ou au début du 12e siècle a légué à la Prévôté le nom porté par ses habitants et le symbole héraldique du portail occidental de sa collégiale sur son drapeau… il est donc difficilement envisageable que le moutier de Moutier-Grandval ne puisse avoir existé à Moutier même. La gérance de cette abbaye est donnée à l’abbé Germain de Trèves, né en 610 et issu d’une famille sénatoriale. Le domaine, ainsi que tous les exploitants de l’industrie minière de la région, jouissent alors d’une immunité économique et politique totale envers le duché grâce à leur travail.
Moutier, Rue Centrale 57. Pot des 11e-12e siècles retrouvé au fond d’un sondage pratiqué au sud du bâtiment, sous les épaisses couches de remblais extérieures. Service archéologique du Canton de Berne.
Le destin de l’abbaye et de la région de Moutier semble alors tout tracé et son potentiel ne demande qu’à être exploité. La ville connait une forte ascension économique et sociale, d’une part grâce à ce que l’industrie du fer lui rapporte, d’autre part grâce aux richesses qu’elle engendre. Toutefois, cet essor florissant est mis à mal par le successeur de Gondoin, Eticho. Remonté par la prospérité de la région et de l’immunité dont jouissent ses habitants, le nouveau duc instaure en 674 une série d’exactions. L’abbé Germain, soucieux de conserver l’équilibre et le bon fonctionnement de la région, se rend auprès de ce dernier afin de négocier une entente commune. Il le trouve vers Courtételle, dans la basilique Saint-Maurice. Malheureusement, ce sont discorde et mésentente qui l’attendent. Germain, alors accompagné par son convers, Randoald, retournent sur Moutier. Le 21 février de l’an 675, ils se font rattraper par une bande de barbares, sont alors battus, puis mis à mort. Cet acte de pourparlers est vu comme un « don de sa vie » dans le dessein de protéger les acquis de la population et ceux des instances religieuses locales. C’est de là que les deux hommes ont été considérés comme des martyrs et donc classés au rang des saints. Depuis la mort de l’abbé Germain, l’abbaye et tout son fonctionnement sont mis à mal mais persistent encore pendant plusieurs années. Même si le déroulement exact des événements survenus après 675 ne sont malheureusement pas connus et que les sources restent rares, une nouvelle église aurait vu le jour en 769.
Collégiale Saint-Germain. Dessin de Auguste Quiquerez 19e s.
D’après des documents datés de la fin du 10e siècle, l’établissement connait un important déclin, pour laisser place, vers le début du 11e siècle, à un chapitre de chanoines, un collège de clercs, dont le lieu de liturgie n’était autre que l’actuelle collégiale Saint-Germain. A l’aube du millénaire, l’abbé cède ainsi sa place à un autre dignitaire, rattaché cette fois-ci aux spécificités du chapitre canonial et sous l’autorité duquel notre cité est désormais placée, le prévôt. Ceci explique la raison pour laquelle les habitants de Moutier se nomment les prévôtois, ce qui n’est pas le cas dans d’autres bourgades éponymes (Môtier, Moustier, Moutiers etc.) où les citoyens sont désignés par d’autres gentilés.
Texte et illustrations: Musée du Tour Automatique et d’Histoire de Moutier, Caroline Branca, Service archéologique du Canton de Berne
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